Résumé:
Une erreur de jeunesse conduit à une rencontre humiliante
entre Nicholas Danville et Lord Victor Ware. Nicolas rentre chez lui en
disgrâce et Victor continue sa vie dans le Ton.
Des années plus tard les parents désapprobateurs de Nicholas l'envoient en
ville pour retrouver un certain polissage avant qu'il se prépare à sa vie en
tant que membre du clergé.
Une rencontre fortuite avec un vieil
ami conduit à une nouvelle confrontation entre Nicholas et Victor. Cette fois,
l'attraction entre eux brûle plus fort, Nicholas est suffisamment âgé pour
savoir ce qu'il veut et Victor a fini de renier ce qu'il est.
De
salles de bal aux jardins en passant par l'opéra, Victor veut prouver qu'une
liaison passionnée entre deux hommes est possible, même sous le regard étroit
du Ton.
Extrait
La campagne
anglaise
1813
Lord Victor Ware leva la tête du
grand livre des comptes qu’il était en train d’étudier. Ils étaient, comme
d’habitude, très bien tenus. Il posa le crayon qu'il avait utilisé et regarda
sans la voir l'étendue de fenêtres qui donnaient sur les pelouses verdoyantes de sa maison de campagne. Les
terres de la famille étaient vastes, tout comme l'étaient les responsabilités qui allaient avec le titre. Cependant, Victor employait
des hommes et des femmes compétents pour gérer ses affaires, et malgré tous ses
efforts, il ne trouvait plus rien à faire qui lui aurait permis de rester caché
dans son bureau.
Le soleil lumineux et le champ d'herbe verte
l'appelaient, et se traitant de tous les noms, Victor décida d'accepter
l'invitation de son frère de l'accompagner, lui et son invité, pour une longue
randonnée. Après tout, que pourrait faire le gamin sur le dos d'un cheval ?
C'était le dix-huitième anniversaire de Peter et Victor avait passé peu de
temps avec son frère au cours de cette visite.
Bien sûr, la faute en revenait au suppôt de Satan que
Peter avait ramené avec lui de l'école pour cette occasion. Nicholas George
Danville, le troisième fils du Baron Danville du Kent, était destiné au clergé,
la carrière la plus inappropriée que Victor pouvait concevoir pour le sale
gosse.
Chaque fois qu'il se tournait, Victor se trouvait être
l'objet d'un examen minutieux de ses grands yeux bleus, et lorsque le gamin ne
le regardait pas avec mépris, il se moquait de lui avec son vif esprit de
répartie. Allonger l'ami de son frère sur ses genoux et lui donner une fessée
n'était pas un acte très hospitalier, alors pour se protéger, il s'était retiré
dans son bureau, prétextant avoir à gérer les affaires du domaine.
Repoussant son fauteuil du bureau, il se leva et se
dirigea vers les écuries. S'ils étaient déjà partis pour leur randonnée, il
serait en mesure de les rattraper assez rapidement. Son Phèdre était un étalon
rapide, et le jeune Danville n'avait pas l'air d'un cavalier émérite. Victor
renifla avec dérision.
Il parcourut les écuries vides, tapotant distraitement sa
cravache sur sa cuisse. Des grains de poussière brillaient sous le soleil de ce
chaud après-midi et la forte odeur des chevaux et du foin remplissait l'espace.
Les palefreniers et le maître d'écurie étaient à l'extérieur, en train de faire
travailler les chevaux. Le vieux maître d'écurie l'avait informé que son frère
n'était pas encore parti pour sa promenade. Victor avait pénétré dans les
écuries en pensant les trouver tout de suite, mais les deux jeunes gens
n'étaient nulle part en vue.
Un rire juvénile venant du grenier attira son attention
et il coinça sa cravache sous son bras avant de monter sur l'échelle. Il sourit
avec indulgence lorsqu'il entendit le rire communicatif des jeunes hommes dans
un recoin du grenier à foin. Loin du formalisme de la maison, ils avaient l'air
de deux gamins faisant l'école buissonnière. Les deux camarades de classe
étaient tellement absorbés par leur match de catch qu'aucun d'eux ne remarqua
son approche et il décida de les laisser profiter de leurs activités de
jeunesse sans que sa présence ne la tempère. Il savait que dès que Danville
réaliserait que Victor les regardait, toute joie de vivre serait effacée de son
visage expressif pour être remplacée par une animosité sardonique. Il fut un
temps, pas si lointain, où il aurait pu jurer que Danville vénérait le sol sur
lequel il marchait. Il ne savait pas ce qu'il avait fait pour s’aliéner le
jeune homme, mais ses piques et sa défiance constante étaient usants.
Victor avait à nouveau posé le pied sur l'échelle et
s'apprêtait à redescendre, se disant qu'il allait faire une promenade tout seul
dans le parc, lorsqu'un changement de ton dans les rires attira son attention.
Se raidissant légèrement, il se dégagea de l'échelle et se fraya un chemin à
travers le foin répandu à l'étage. La paille étouffait ses pas, mais au vu des
évènements, aucun des deux jeunes hommes n'aurait de toute façon remarqué son
arrivée. Lorsqu'il fut assez proche pour jeter un coup d'œil sur les bottes de
foin sur lesquelles étaient allongés les deux adolescents, le rire s'était
transformé en gémissement, hérissant les cheveux sur sa nuque et faisant
tressauter son sexe.
Il retint son souffle devant le spectacle qui s'offrait à
ses yeux. Peter avait coincé Danville sur le dos et tenait les bras du jeune
homme blond bien tendus au-dessus de sa tête. Danville ne semblait pas perturbé
par la vulnérabilité de sa position. Au lieu de lutter pour échapper à
l'emprise de Peter, il se tortillait sans relâche sous le frère de Victor. Tous
les deux se tordaient et se frottaient l'un contre l'autre tout habillé – Dieu
merci – mais pour un homme d'expérience, il n'y avait aucun doute sur ce qui se
passait.
Victor jura en silence. Il était aussi familier que
n'importe qui avec les jeux auxquels jouaient les écoliers, mais Peter aurait
dû renoncer à ce passe-temps depuis très longtemps.
Nicholas Danville était trop beau pour son propre bien la
plupart du temps. Et maintenant, alors qu'il regardait Peter, ses yeux
brillaient de passion, ses joues étaient rouges et ses lèvres roses et charnues
étaient entrouvertes.
Victor étouffa un gémissement comme son sexe réagissait
dans son pantalon. Alors qu'il savait qu'il devrait laisser les deux jeunes
hommes à leurs jeux, peut-être même parler à Peter en privé plus tard, il ne
pouvait détacher ses yeux de leurs corps enlacés, de celui de Danville se
tordant sous la silhouette plus large de Peter.
— Embrasse-moi, chuchota Danville d'une voix rauque tout
en se léchant la lèvre inférieure.
Victor ne pouvait pas blâmer Peter de donner au sale
gosse précisément ce qu'il demandait. Il aurait fait exactement la même chose.
Si cela avait été possible, il aurait volontiers échangé
sa place avec son demi-frère à ce moment-là, quand la bouche de Peter recouvrit
celle de Danville et qu'ils roulèrent ensemble sur le sol.
Jurant de nouveau, Victor serra étroitement son érection grandissante
et se força à s'éloigner. Il avait atteint l'échelle et se préparait à
descendre lorsqu'il entendit un cri sourd sensuel suivi du gémissement
triomphal de Peter.
Le jeune Danville devait encore passer six jours sur le
domaine. Victor ne pensait pas qu'il pourrait le supporter. Les neuf derniers
jours de regards coquins et de contact accidentels l'avaient presque rendu fou.
Il avait réussi à se persuader que le jeune homme ne savait pas ce qu'il
faisait, ne savait pas ce que tout cela impliquait. Alors Victor avait adopté
un air lointain, se cachant dans son bureau, prétendant que la gestion du domaine
occupait tout son temps. Cela avait été fait dans le but de préserver sa
raison, dans le but de préserver l'innocence de Danville.
Mais en voyant l'objet de sa concupiscence avec Peter, il
était clair que Danville n'était ni innocent ni naïf.